C’est comme se réveiller au milieu de la nuit, et qu’il n’y a plus de courant.
C’est votre maison. Un simple endroit ; des murs, des meubles que l’on connaît, que l’on a choisi, qui emplissent notre vie, et qui sont décidés à nous piéger. Il faut retrouver son chemin, et rallumer la lumière. Le temps que cela prend ne se compte pas.
S’en suit une longue quête dans le rien.
On tend les mains, fébriles, sur un vide que l’on espère plein. Que l’on croyait dur, palpable et familier. Et tout se dérobe. Sauf les pas qui, à tâtons, retracent le chemin de mémoire. Qui vient de nous lâcher.
Et les angles sont des ronds, le bois est mou, les murs se resserrent, le couloir est infini. Rien n’est à sa place et pourtant, tout est presque là. Dans le noir, dans ce trou immense, on s’arrache les paumes aux parois. On croit reconnaître un reflet sans fond.
Le trou de mémoire c’est le moment où vous êtes attaqués par le vide, et qu’il n’y a aucun moyen de se défendre. Vous bougez les bras et cherchez à affronter ce quelque chose d’absent. Vous refusez le rien, et vous vous mettez à le façonner à grands coups de couteau dans le brouillard, convaincu qu’il finira bien par être quelque chose de présent. Qu’il vous rendra la pareille. Peut-on rendre le combat égal, retrouver la puissance du contrôle ? Les questions résonnent et pas d’écho à l’horizon de vous-même.
Devant ce rien invulnérable, on capitule. On s’immobilise. On se transforme en pierre. Minute de silence. On se recueille sur soi, on se laisse aller, on se laisse défaire. Les yeux d’abord s’acclimatent, les oreilles se tendent, corde dans le vent qui vibrera peut-être. Le rien vous ouvre ses bras pour l’équilibre. Le noir est gris, il est nuance de vide et de plein. Les mots reviennent, et on aperçoit enfin les cailloux blancs illuminant la pensée. Les mots du bout de la langue. Le tournis des sept tours s’en est allé.
Le trou se comble. Vous avez fait deux pas, vous inspirez. La nausée s’échappe.
On appuie sur le bouton on de la lampe de bureau. Et la page se noircit, à tâtons, dans la blancheur à peine aveuglante. Les premiers bleus de la traversée dans le noir prennent forme. Les maux s’animent donc. Finalement. C’est quelque chose qui ne s’oublie pas.
I will follow you into the dark – Death Cab for Cutie
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